Entrepreneuriat social
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Dans ce deuxième volet consacré au thème de l’entrepreneuriat social, nous nous penchons sur le rôle que peut jouer ce dernier en faveur de l’éducation et la formation au Maroc.
L’ES a-t-il un rôle à jouer dans l’avenir des jeunes Marocains ?
Inclure les individus, leur donner une place dans la société, c’est l’une des missions de l’éducation et de la formation. Serait-ce ici que leurs chemins se croisent avec ceux de l’entrepreneuriat social (ES) ?
Comme nous l’avons expliqué dans notre précédent article sur le sujet, l’entrepreneuriat social vise à proposer des modèles innovants pour répondre à des problématiques de la société… et atteindre simultanément les rendements économiques et sociaux.
Adnane Addioui, président du Centre marocain pour l’innovation et l’entrepreneuriat, précise : « L’inclusion sociale fait aussi partie des grands objectifs [de l’ES] : quand j’ai le choix entre gagner plus d’argent et inclure plus de gens, la réponse est vite trouvée ». Selon lui, l’ES est surtout une manière de voir les choses et « vis à vis de l’éducation, l’ES a la place de combler un vide avec ses services, pour ne pas laisser le champ libre à l’analphabétisme et aux obscurantismes ».
Des problématiques identifiées
Au Maroc, l’éducation rencontre encore deux obstacles majeurs :
- En milieu urbain, la grosse problématique est l’accès à une instruction de qualité. Les familles se disent de moins en moins satisfaites de l’école publique mais n’ont pas forcément les moyens d’inscrire leurs enfants dans l’une des nombreuses écoles privées qui voient le jour.
- En milieu rural, la logistique et les conditions d’accès physiques à l’école restent le point noir.
Adnane Addioui de poursuivre : « L’éducation est un vaste domaine. A nous, entrepreneurs sociaux de « zoomer », d’étudier finement le besoin pour voir là où il est utile d’investir ».
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Cibler les élèves des quartiers populaires
L’ONG Soleterre – Maroc, basée à Rabat, a choisi d’investir le champ du préscolaire et a développé EducarES.
Pour Ismail Ibtissen, coordinateur de projets économiques au sein de l’organisation, « l’éducation est un secteur très sensible et très important pour le développement durable du pays. Il y un fort besoin en préscolaires de qualité, tenant compte des nouvelles normes d’éducation ».
EducarES (mis en place en 2016 avec d’autres associations internationales et locales) consiste à appuyer la création de startups sociales dans les champs de l’éducation et des secteurs innovants.
Neuf unités d’enseignement préscolaire à destination des écoliers de quartiers défavorisés ont notamment été instaurées, dans les régions de Béni Mellal et de Tanger. « Plus de 600 enfants des quartiers défavorisés de Casablanca, Afourer et Tanger ont pu profiter des initiatives de ces préscolaires responsables envers leurs communautés et le coût pour une famille avec un enfant est de 100 dhs à 300 dhs, selon la ville et les quartiers. »
Par ailleurs, au moins trois salariés permanents ont été embauchés à la suite de ces créations, car l’inclusion vaut aussi pour les jeunes adultes en recherche d’emploi. Dans la foulée d’EducarES, Soleterre – Maroc porte le programme ES.Maroc.org pour permettre à tous les jeunes Marocains d’accéder à davantage d’opportunités socio-économiques.
L’objectif est désormais de dupliquer l’expérience dans d’autres régions du Maroc.
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Inclure les enfants handicapés
Apporter une éducation de qualité à tous, y compris les enfants en situation de handicap, c’est la volonté de L’institution Tahar Sebti. Elle est implantée à Casablanca depuis 1953 et membre du groupement d’entreprises sociales AMH depuis 2015.
Elle propose, entre autres, un programme éducatif aux écoliers de niveaux maternelle et primaire. Sur la page d’accueil de son site internet, on peut lire : « […] Notre établissement poursuit un objectif social, conjuguant enseignement de qualité et ouverture auprès des publics en situation de vulnérabilité. »
Formation professionnelle : du gagnant-gagnant
Le besoin se fait aussi sentir au niveau de la formation des jeunes adultes. Le bac en poche, comment s’insérer dans la vie professionnelle ?
La formation apparaît aux entreprises comme un levier intéressant, notamment dans le secteur IT en recherche de ressources humaines qualifiées.
Salim El Bouanani, dirigeant de Monark IT, partie prenante du GIE, estime : « Dans les pays en voie de développement comme le nôtre, l’éducation et les formations publiques ou privées ne permettent pas d’avoir un salarié préparé au monde du travail. La formation en entreprise me semble un passage obligé pour pallier ces lacunes et apporte aux débutants un solide bagage ».
L’objectif de cette « école » de codeurs est de former des apprentis pour leur permettre « de répondre à des opportunités de recrutement, ou de se tourner eux-mêmes vers l’entrepreneuriat », précise Salim El Bouanani. Et d’ajouter : « Pour les deux entreprises de développement du GIE, le gain à court terme est de mobiliser les stagiaires sur de vrais projets. À plus long terme, c’est d’avoir des développeurs bien formés ».
Le levier de l’IT
Ce cursus diplômant de deux ans est entièrement financé par le GIE, donc gratuit pour les apprentis. « Cela répond à une nécessité d’inclusion dans une branche qui a des besoins : besoin de proposer des formations crédibles, mais aussi besoin de garder ses compétences et ses talents au Maroc », déclare encore le chef d’entreprise.
D’autres formations existent, telle celle dispensée par l’antenne marocaine de l’école Simplon.co, dont le but est de rapprocher de l’emploi des publics qui en sont éloignés et favoriser l’autonomisation des stagiaires.
Bref, entre auto-formation en ligne et cursus professionnalisant, il est désormais possible d’accéder plus facilement aux métiers du web, qui offrent des débouchés nombreux.
Pour Salim El Bouanani comme pour Adnane Addioui, les nouvelles technologies sont un allié naturel de l’ES. « Évoluer dans l’univers du digital et avec les outils numériques permet de toucher le plus de monde possible et permet d’informer les gens sur notre vision de l’entrepreneuriat à caractère social », considère le premier. Pour le second, l’enjeu reste de développer les outils
adéquats pour répondre aux besoins sociaux
Familiariser le rôle social de l’entrepreneur
Le rapport de l’éducation et de l’ES a deux versants, comme une pièce de monnaie : d’un côté la force d’investissement que représente l’ES ; de l’autre, le vivier que représente la jeunesse. « Éduquer à l’ES, cela signifie ouvrir l’esprit des jeunes afin qu’ils acquièrent de nouvelles connaissances puis de nouvelles compétences. En France, de nombreuses écoles de commerce ont inclus un module dédié à l’ES dans leur cursus. Au Maghreb et en Afrique, cela se développe peu à peu ».
L’ONG internationale Enactus, présente au Maroc, est un vrai réseau d’influence et d’action en matière d’éducation à l’ES, puisqu’elle regroupe des étudiants et des leaders du monde académique et économique engagés dans une démarche d’ES.
Via cette association, de nombreux projets innovants et au service de la communauté voient le jour.
Et à Adnane Addioui de conclure : « Tout le monde n’épouse pas la carrière d’entrepreneur, mais tout le monde peut avoir l’esprit d’entreprise, quel que soit son domaine. L’esprit d’entreprise, c’est tout simplement créer, c’est un outil pour avoir une lecture critique du monde ».